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Vivre humain
19 septembre 2014

Mary et Max

Sur plus de vingt ans et d'un continent à l'autre, Mary et Max raconte l'histoire d'une relation épistolaire entre deux personnes très différentes : Mary Dinkle, une fillette de 8 ans joufflue et solitaire, vivant dans la banlieue de Melbourne, en Australie, et Max Horowitz, un juif obèse de 44 ans, atteint du syndrome d'Asperger et habitant dans la jungle urbaine de New York.
INTERVIEW D'ADAM ELLIOT

http://evene.lefigaro.fr/cinema/actualite/mary-max-adam-elliot-animation-autisme-hoffman-2273.php

 

Pour 'Mary et Max', Adam Elliot s'est inspiré de sa propre relation épistolaire avec un autiste new-yorkais. Cette fable drôle et mélancolique sur l'amitié improbable unissant une gamine australienne à un quadragénaire américain révèle un talent singulier dans le cinéma d'animation.

 

 

 

L'Australien Adam Elliot a obtenu un oscar en 2004 pour 'Harvie Krumpet', court métrage animé en pâte à modeler sur un marginal atteint de la maladie de La Tourette. Dans 'Mary et Max', son premier long, le réalisateur continue de célébrer la différence en faisant aimer des personnages hors du commun. Son histoire semi-autobiographique a remporté un Grand prix mérité au Festival d'Annecy. Fier de donner une voix à des héros extraordinaires, Adam Elliot tient à préserver sa fibre créatrice même si cela veut dire qu'il lui faut renoncer au confort d'Hollywood.

 

Comment avez-vous rencontré votre Max ?

 

Précisons d'abord que ce n'est pas son vrai nom et que la véritable identité de Max est un secret bien gardé ! C'est lui qui m'a contacté. Il avait déniché mon nom par hasard sur un annuaire réservé aux artistes parce qu'il souhaitait avoir un correspondant qui habite en Australie. J'avais 17 ans à l'époque et nous correspondons par lettres depuis vingt ans. J'ai conservé toutes ses missives dans de grands cartons et j'avoue avoir du mal à réaliser que cette amitié épistolaire ait pu inspirer un film.

 

A-t-il vu 'Mary et Max' ?

 

Oui, et je crois qu'il en est fier bien que la forme d'autisme dont il souffre l'empêche de communiquer facilement ses sentiments. Il m'a avoué qu'il n'en revenait pas que des gens puissent s'intéresser à sa vie qu'il juge médiocre. L'idée que Philip Seymour Hoffman prête sa voix à son personnage le touche beaucoup.

 

Comment avez-vous convaincu Philip Seymour Hoffman de participer au projet ?

 

Je lui ai envoyé une lettre parfumée ! C'était le bon moyen pour attirer son attention. Il m'a demandé de lui faire parvenir le scénario puis a dit oui tout de suite. Il m'a expliqué avoir envie de participer à un film d'animation depuis longtemps, mais ne jamais avoir trouvé de projet suffisamment original pour concrétiser ce désir. Tout est allé très vite avec Phil dont nous avons enregistré la voix une fois le film terminé, ce qui est très inhabituel. Il est entré dans le personnage tout de suite, presque sans répétition. Il est fasciné par "Max" et m'a promis de nous emmener déjeuner ensemble quand je viendrai à New York. Ce sera d'autant plus excitant que je n'ai jamais rencontré "Max" en chair et en os !

 

En quoi vous a-t-il touché ?

 

La différence est un thème qui me parle beaucoup et que j'ai toujours abordé dans mes films. Je souffre d'une maladie qui fait que je suis agité de légers tremblements, ce qui m'a longtemps complexé avant que j'apprenne à en tirer parti en intégrant ce handicap à mon travail. Dans 'Mary et Max', j'insiste sur le fait que nous avons tous nos qualités et nos défauts, certains plus marqués que d'autres. Il faut apprendre à s'accepter pour vivre pleinement. Dès mon enfance, je me suis toujours senti du côté des faibles. Bien que je n'ai jamais été vraiment maltraité à l'école, je devenais toujours l'ami des gamins étranges et pas vraiment populaires. Je pense que mes histoires reflètent ce point de vue et c'est peut-être aussi pour cela que j'ai choisi la pâte à modeler pour m'exprimer ! Dans le milieu de l'animation, les artistes qui travaillent avec ce médium sont considérés comme des dingues.

 

Même les animaux de vos films sont différents…

 

C'est vrai ! C'est sans doute parce que j'ai grandi dans une ferme où nous avions toutes sortes de bestioles étranges auxquelles il arrivait des aventures fantastiques. Ma mère a fait fondre les pattes de deux de mes tortues d'eau en les plongeant accidentellement dans l'eau bouillante. Nous avons eu aussi un cheval devenu borgne après un cancer dont nous remplacions l'oeil manquant par une balle de tennis. J'ai gardé une fascination pour les animaux diminués et je suis fan de taxidermie, surtout quand elle est un peu ratée. J'ai des poules mal empaillées sur mon bureau. J'envisage de confier mes chiens à un taxidermiste quand ils seront morts.

Quels sont les auteurs qui vous ont inspiré ?

On me compare souvent à Nick Park mais je ne me sens pas très proche de lui, bien que ce soit un bon copain dont je respecte le travail. Chez les animateurs, j'apprécie le Tchèque Jan Svankmajer dont j'admire le travail sur la matière et l'univers surréaliste. Je déteste les films trop léchés comme certaines animations en plasticine sur lesquelles on a ôté les traces de doigts ! Mon esthétique est minimaliste, mais je veux garder un aspect artisanal. J'aime laisser de l'espace à mes personnages comme le faisait la photographe Diane Arbus dans ses compositions. Les faire évoluer dans un monde monochromatique était très signifiant pour 'Mary et Max', des personnages solitaires qui existent dans un monde terne, gris pour New York et brun pour l'Australie. Cela me permettait de mettre en valeur les objets qu'ils s'envoient comme des notes de couleur dans leur vie. Pour le reste, j'adore des cinéastes comme David Lynch, dont 'Elephant Man' m'a beaucoup influencé, Francis Ford Coppola ouMike Leigh. Et je suis en train de parfaire ma culture littéraire en dévorant des classiques comme 'Frankenstein' ou 'Les Raisins de la colère', la notion de "classique" me fascine. Je me demande comment une oeuvre d'art peut être universelle au point de traverser le temps.

 

Pourquoi ne pas tourner en prises de vues réelles ?

C'est un choix égoïste pour pouvoir tout contrôler. Je ne me vois pas diriger des acteurs en chair et en os alors que mes poupées font exactement ce que je leur dis sans que j'ai besoin de les payer ! Plus sérieusement, j'aime la liberté créatrice que me donnent les marionnettes. On peut exagérer leurs traits et leurs expressions, ce qui correspond à mon univers. Le seul problème est que le processus est très lent : 'Mary et Max' a pris cinq ans de ma vie. Et encore, sur ce film, je ne suis que le chef d'orchestre. Je ne mets plus la main à la pâte depuis longtemps ; heureusement, car je ne suis pas un homme patient ! Avec plus d'argent, cela ira peut-être un peu plus vite, mais je ne me vois pas réaliser plus de deux films tous les dix ans car je fais tout moi-même, du concept des personnages aux story-boards. Mes films sont si personnels qu'ils perdraient de leur force si je ne m'impliquais pas autant.

Vous avez bénéficié d'un budget confortable ?

Pas du tout. Disons que nous avons eu celui de 'Coraline' d'Henry Selick si on lui avait retiré un zéro. Notre film n'a coûté que huit millions de dollars parce que tout le monde a accepté de faire des sacrifices, mais aujourd'hui, j'en ai assez. Je veux que mon équipe soit payée correctement et je n'ai pas envie de refaire un film si je ne dispose pas d'au moins trente millions. Comme 'Mary et Max' a ses chances aux Oscars, cela m'aidera sans doute à monter mon prochain projet.Pour l'instant, je n'ai encore rien écrit, mais j'aimerais me lancer dans une histoire presque sans dialogue, un peu comme la première partie de 'Wall-E' d'Andrew Stanton.

'Mary et Max' a t-il été difficile à vendre ?

Très ! Les allusions au suicide ont posé de nombreux problèmes aux censeurs de tous poils qui ont décidé que le film devait être réservé à un public mûr. Pourtant, je n'ai jamais vu de gamin sortir de la projection en hurlant ! Mon film est moins violent que certains contes de fées qu'on lit aux petits dans le monde entier. Il y a deux poids deux mesures quand il s'agit de cinéma. Les parents protègent trop leurs enfants alors que la violence fait partie de la vie. Il ne peut y avoir de lumière sans obscurité. J'estime cependant devoir beaucoup à des films comme 'Les Triplettes de Belleville' de Sylvain Chomet, 'Persépolis' deMarjane Satrapi et Vincent Paronnaud et 'Valse avec Bachir' d'Ari Folman qui ont démontré que l'animation n'était pas faite que pour les enfants ! Bien sûr, il est plus facile de vendre 'Shrek' ou 'Le Monde de Nemo' que 'Mary et Max', mais les choses évoluent vite, ce qui est bien : un art stagnant est un art qui se meurt.

Vous vous verriez travailler pour un grand studio ?

On me l'a proposé et j'ai décliné bien que l'argent ait été tentant. Personne ne peut vous garantir le final cut dans un grand studio et je n'ai pas envie de perdre le contrôle sur mon travail. J'apprécie les divertissements animés hollywoodiens en tant que spectateur, mais ce n'est pas ce que j'ai envie de faire en tant que créateur.

 

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